Quand je suis tombé sur cette publication d’Apidura, j’ai tout de suite accroché. Faire la plus grande distance à vol d’oiseau en 24h, pendant le week end du solstice d’été.
Après avoir étudié différentes alternatives, je me décide pour un Nantes Lyon, c’est un challenge que je n’ai jamais fait et cela rentre presque dans le format. Et la logistique est assez simple avec un train prenant les vélos pour rentrer avant la fin du week end. J’avais aussi étudié Nantes Lorraine TGV mais c’est beaucoup moins glamour …
J’arrive à recruter Thierry, qui a aussi fait Paris Brest Paris l’année dernière. Il est trop modeste pour l’admettre mais il est bien plus fort que moi, que ce soit sur les courses ou les longues distances. On se fait confiance absolue, et c’est bien là le principal.
On se donne rendez vous au temple bouddhiste de Saint Herblain à 7 heures ce 20 juin 2020. Le ciel est parfaitement bleu, un peu frais mais un temps parfait pour ce genre de périple.
Le rythme est plutôt tranquille, on traverse la ville puis le vignoble par Vallet. Les premières bosses arrivent et je sens que ce n’est pas les super jambes. Et surtout, mon vélo craque de façon difficilement supportable, il faudra faire avec …
Le vent est de plus en plus favorable, on prends notre rythme de croisière. On roule ainsi entre Cholet et Loudun à 35 de moyenne, sans forcer. On commence à se prendre quelques relais, à deux de front c’est sympa pour discuter mais on dépense bien plus d’énergie. En se mettant dans la roue, on peut tranquillement boire, manger, regarder le paysage tout en donnant qu’un coup de pédale de temps en temps. On a quand même mis le grand plateau depuis un moment, et les faux plats montants sont pris sur un rythme plutôt tonique.
Pour le départ frais, j’ai mis un sous maillot sans manche. Il est malheureusement beaucoup trop chaud et je perds beaucoup d’eau, mais ça, je ne le savais pas encore…
On découvre Loudun, charmante petite bourgade fortifiée. C’est notre première pause après 5 heures. On trouve une boulangerie assez bien achalandée et on se pose sur un banc. La recharge est massive, 2 trucs salés, 2 trucs sucrés, 1 coca. Je monte ma selle, mon genou droit étant un peu douloureux. J’ai mis mes chaussures de vélotaf/gravel/vélovoyage et je pense qu’elles sont moins épaisses que mes chaussures plus “sport”.
Les lignes droites sont ultra longues, le revêtement est parfait, le vent portant bien dans l’axe, notre horoscope devait être très favorable ce jour là. Le paysage est parfois un peu monotone mais il défile vite. On prends des beaux relais, chaine tendue dans les descentes, en cadence sur le plat et en relance légère dans les bosses. Et en haut, on échange nos places pour reprendre une bonne vitesse avec un minimum d’effort plutôt que de laisser le leader garder son développement sur le plat.
On traverse la Vienne puis la Creuse pour traverser Descartes. On remplit les bidons à Palmy et je me décide enfin à enlever mon sous maillot. Mon jersey est plein de sel, ce qui ne m’arrive quasiment jamais. J’ai les quadri qui commencent à me chatouiller, ce n’est pas très bon signe mais rien d’alarmant.
On traverse l’Indre puis nouvel arrêt pour faire le plein chez une petite mamie à Villegouin. Presque toutes les toilettes sont condamnées avec le COVID. Je commence à lever le pied dans les montées, on a déjà plus de 250km à 31 de moyenne… Il en reste pas loin de 400 !
On est en fin d’après-midi, le déjeuner commence déjà à être loin. On est pressé d’arriver à Issoudun et les longues lignes droites s’enfilent à un très bon rythme. Mais dans un faux plat j’ai une crampe à la cuisse… Pas de remède miracle, il faut que je lève le pied et que je boive autant que je peux… On a déjà fait la moitié en arrivant à Issoudun, je ne panique pas et vais prendre mon mal en patience.
A la sortie d’Issoudun on trouve une de ces boulangeries industrielles, pas fameuse mais avec un bel assortiment de salé et de sucré. Je prends la dernière salade de fruits, désolé Thierry, priorité aux crampés 😉 Même si c’est pas très bon, on avale une quantité non négligeable de salé et de sucré avant la nuit. Enfin pour moi c’est plutôt le sucré en premier pour ménager mon estomac. Je digère beaucoup mieux dans ce sens là, et quand on reprend le vélo pour encore quelques centaines de kilomètres on évite d’avoir une digestion difficile…
Après cette belle pause d’une heure, nous repartons relativement frais à 19h. Je suis plus facile que Thierry à l’allumage, je le tracte quelques dizaines de minutes avant de faiblir. C’est ensuite à mon tour de prendre la roue et de subir le rythme. On vise Sancoins pour la tombée de la nuit, on y arrive à 22h.
On prend place sur la terrasse d’un kebab, on se contentera de finir de manger ce que l’on avait embarqué à Issoudun. Nous passons un moment plus ou moins agréable en compagnie d’un couple de motards qui ne comprennent pas trop ce que l’on fait… Nous non plus… On repart après 40 minutes, dans un doux début de nuit en passant au dessus de l’Allier.
Vers minuit ma lampe commence à clignoter, on s’arrête pour que j’essaye de régler ça. C’est une lampe chinoise avec un prise USB, branchée sur une batterie externe. Je change de prise et j’essaye de caler un emballage de barre, c’est un peu mieux.
Le rythme a nettement diminué, le terrain est un peu vallonné et nous somme tous les deux pris par la fatigue. Cela n’empêche pas Thierry de se laisser décrocher pour regarder la voie lactée. Je me rends encore plus compte que je ne suis plus très lucide et que je suis incapable de regarder autre chose que la route sans zigzaguer dangereusement.
Nous poussons jusqu’à Digoin, il est 2h30, on traverse la Loire. On cherche un distributeur de billet dans un sas, sans succès. On se réfugie sous le porche d’une banque, Thierry ne me prends pas en photo mais je ne suis pas très vaillant, lui non plus ! On profite de cette demi heure d’arrêt pour mettre tous nos habits en stock, la fraîcheur devrait pas tarder à arriver. Je m’étais dit que j’irais voir le pont canal, on le verra de loin ! Plus que 125km mais le plus difficile est devant nous.
On rejoint Paray le Monial en appuyant un peu pour se réchauffer, je regrette de ne pas avoir pris mes jambières. Je n’affiche aucun chiffre sur mon compteur par défaut, juste la carte. Ainsi je ne saurai pas que malgré mes efforts, je nous ralentis à un malheureux 25km/h. Il reste une centaine de kilomètres à parcourir quand on rencontre les premières montées vers le Beaujolais.
Dans la nuit, on ne sait jamais vraiment quelle est la pente. J’ai parfois l’impression d’être dans une montée alors que c’est plat. Et quand une voiture nous double et nous dévoile toute la montée sur cette longue ligne droite, je prends un coup au moral. Thierry m’attend régulièrement, j’ai les jambes carbonisées et je suis incapable de mettre de la puissance. J’ai aussi un peu peur de recramper et d’aller encore moins vite. Ma lampe avant m’abandonne définitivement, je ne peux plus compter que sur mon collègue pour éclairer la route. On arrive enfin à La Clayette un peu avant 5h du matin, il nous reste 90km mais nous sommes au pied d’un joli col.
La première partie est assez roulante, j’arrive à accompagner sur un rythme pas trop pourri. L’aube est déjà bien présente et j’ai l’impression qu’on est en haut quand je dis à Thierry que j’ai du me tromper dans mon repérage, il n’est pas si difficile ce col. Bon on en était qu’à la moitié, et c’était la partie la plus facile. Je prends mon mal en patience et grimpe tranquillement la partie à 6% sur un ratio d’enfant. Quand je me lamente trop, je contemple le paysage et oublie ces quelques désagréments. Je pense aussi à tout ce chemin parcouru pour arriver là, ça en est presque vertigineux.
Je retrouve enfin Thierry dans Proprières, et nous terminons par un dernier faux plat bien gentil jusqu’au col des Echarmeaux. On prend quelques photos, on mange un peu, on ne traine pas pour ne pas trop refroidir, et parce que j’ai toujours le défi Apidura dans un coin de la tête !
Dans la descente, il fait vraiment froid avec la vitesse. Thierry s’arrête presque à un bouiboui avec une ardoise “ouvert”, je lui dis qu’il est trop tôt. J’ose pas lui dire que j’aimerais qu’on roule jusqu’à 7h pour le défi, c’est lui qui est devant, c’est lui qui décide !
On passe devant une boulangerie, il ne la voit pas, je dis rien. Encore une autre, devant son nez, il s’arrête et j’en suis bien content. Il est 6h30 et il y a déjà un monde fou à vaquer. La vitesse des voitures dans ce bourg de Chambost Allières nous fait un peu halluciner, et dire que l’on côtoie ce genre de personne sur la route…
Après quelques pains au chocolat bien appréciables, nous reprenons notre descente folle vers Lyon. C’est au final plus de 40km de descente que nous ferons depuis le sommet de ce petit col ! Le soleil arrive enfin et nous sommes vite réchauffés. Thierry balance la purée, je suis comme je peux mais je craque dans un faux plat avant Lozanne, il m’a tué. Je grogne un peu dans mon coin, mais je ne peux pas lui en vouloir !
Nous quittons cette vallée de l’Azergues qui nous a accompagné dans la descente pour rejoindre la Saône juste de l’autre côté. Nous sommes à quelques kilomètres de Lyon et nous prenons des petites routes de campagne, certes vallonnées mais bien éloignées des grands axes. Je me souviens de certains passages que j’avais empruntés il y a 3 ans. J’ai pensé à Nicolas et la chance que j’ai de vivre ce genre de moments.
Après quelques coups de cul “surprise”, nous commettons notre première erreur de navigation, juste avant d’arriver c’est ballot ! Je m’en rends compte très vite et ce ne seront que quelques centimètres de dénivelé ajoutés, on était plus vraiment à ça près. On traverse la Saône pour emprunter le tunnel de Croix Rousse, les illuminations ont disparu c’est un peu sinistre. Enfin le Rhône nous accueille avec ses quais si bien aménagés.
Il est presque 9h, j’arrive à viser la place Bellecour et nous passons un long moment à nous changer. Nous sommes groggys par notre balade, le mode automatique de branché avec le radar.
On arrive à décoller vers le vieux Lyon pour trouver un endroit où se poser. C’est encore très calme à cette heure et les critères sont assez nombreux (terrasse, sieste possible, bière et brunch). On se décide pour un pub en terrasse, on fera une croix sur la sieste.
On rejoint la place Carnot repus, et laissons le temps s’étirer depuis un banc à l’ombre. Thierry récupère un cintre ITM de CLM vintage, par la Poste c’est plus simple quand même… Il me fait remarquer qu’on s’est trompé de gare, on a des billets au départ de Part Dieu. Le train partant de Perrache là où on est, on le rejoindra directement au départ. Merci d’avoir vérifié, on y serait peut être encore sinon…
Un sympathique groupe de slaves nous ambiance avec de la musique, et la ville, dans toute sa diversité, défile sous nos yeux fatigués. Pour Lyon il ne fait pas très chaud, mais nous sommes écrasés sur notre banc comme deux vieillards. Thierry sombre la bouche ouverte dans un moment d’égarement, il manque juste la 8.6 pour faire tableau avec l’ensemble.
Il est enfin l’heure du train et le nouvel Intercités est pas trop mal. Nous ne sommes pas dans le même wagon, tant pis…
L’accroche des vélos n’est pas super (je préfère les crochets), et les sièges sont aussi serrés que dans un TGV. Il n’y a pas trop de monde au départ, mais c’est la foule qui monte à Part Dieu… Heureusement je peux étendre mes jambes et enchaîner les micro siestes. Sans pull parce que je n’avais pas trop de place pour mettre des affaires de rechange, sous la clim c’est un peu juste !
Du coup les 6h30 passent assez vite et on arrive à 22h à Nantes. On se loupe avec Thierry qui est sorti côté sud. Le retour se fait tranquillement, c’est pas la super forme mais c’est honnête. La fête de la musique semble avoir un peu dégénérée, par chance j’évite les confrontations et la lacrymo.
Après 2 jours, je suis toujours un peu “jet laggué”, j’ai du mal à répondre aux sollicitations, je suis dans ma bulle. Il va falloir un peu de temps pour réaliser ce qu’on a fait. On était tellement motivés et déterminés que l’on a surmonté nos petites difficultés presque facilement. On s’est mutuellement challengés et stimulés dans cette petite épreuve, avec une conviction de têtes de mules.
Je tiens vraiment à remercier Thierry de m’avoir accompagné, on a vécu un bon moment qu’on pourra raconter comme nos aînés ont pu nous inspirer !