Brevet 600 – compte rendu

Depuis une semaine j’étais très stressé par ce dernier brevet qualificatif pour le Paris Brest Paris de cet été. J’ai commencé à préparer mes affaires jeudi et vendredi soir tout était prêt pour le départ. Je suis même passé par le local des cheminots pour m’inscrire, le matin même c’est la cohue et de la perte de temps (et de sommeil!).
Le départ étant fixé à 5h dans le centre de Rennes, je dois partir à 4h en vélo de chez moi. Le réveil réglé à 3h20, je m’endors quelques heures avant. Lorsque celui ci sonne, j’appuye sur le mauvais bouton et l’éteins. Je me réveille en panique, 4h10! Je sais ce qu’il me reste à faire, tout est prêt, je passe devant le panneau d’information à côté de chez moi à 4h22. Le corps n’est pas d’accord pour rouler vite au sauté du lit, je lui force un peu la main, j’arrive au stade avec un gros 30 de moyenne.
Je suis presque en avance, j’ai le temps de saluer quelques connaissances, je tamponne ma carte de route et croise Hugues, avec qui j’ai fait le 1000 l’année dernière. Je prends des nouvelles et répare son connecteur de dynamo (le mien m’a déjà fait le coup!).
Enfin le départ, nous cheminons tranquillement vers le nord. Je fais connaissance d’un normand de Cabourg, on parle de la Corse! Je vois des petits groupes partir devant, je pourrais les suivre, mais la route est longue, très longue et je me connais… Nous arrivons alors à Tinteniac après 1h15 et 32km, soit une moyenne de 24km/h. Je n’ai pas vu le temps passé, j’ai l’impression d’être parti depuis 5 minutes. Je roule avec deux personnes de mon club, dont l’un ne veut pas s’arrêter. Nous repartons aussitôt et nous sommes vite rejoins par différents groupes à l’arrière. La montée vers l’antenne de Bécherel fait la sélection, nous serons un bon groupe jusqu’à Loudéac.
Il n’y a pas vraiment de grosse difficulté pour le moment, et tout le monde est encore en forme. Ce n’est pas très régulier et roule un peu vite dans les bosses, je préfère enrouler sur le plat et monter tranquille avec une telle distance. Je me fais gentiment engueulé par Dédé, l’un des deux de mon club. Non seulement je me fais traîner, et en plus je râle!
A Loudéac il est 9h passé et on ne tombe pas sur un bistrot d’ouvert rapidement. On fait une petite pause classique, tamponnage, café, toilettes et remplissage des bidons. J’en profite pour sortir un sandwich, je n’ai pas eu le temps de petit déjeuner encore! Nous repartons à 4, l’allure est bonne avec les très nombreuses cotes à la sortie de Loudéac. Nous croisons une cyclosportive en face, les signaleurs sont un peu perdus en nous voyant passer à contre sens, on a pas vraiment le temps d’expliquer ce que l’on fait à chacun d’entre eux! Après Corlay nous arrivons sur une grande route très désagréable, en file indienne pendant presque une heure avec pas mal de voitures. Je suis content de retrouver les petites routes avant Carhaix! Je prends de plus en plus de relais, les jambes répondent bien.
Arrivé à Carhaix, je perds mes compagnons de vue en allant acheter à manger. Je les attends à la sortie de la ville où je pique nique mais je ne les verrais jamais arriver. Je décide d’y aller, je me suis arrêté depuis une bonne demi heure. Je retrouve le frère de Daniel après Poullaouen, apparemment ils sont derrières, j’attends encore un peu… Je repars quand je vois passer un petit groupe de 4, tous étant de Pipriac. D’expérience ce sont les meilleurs groupes, solidarité et ambiance sont au rendez vous. La montée vers Roc Trévézel se fait avec le vent de face, je lâche un peu les chevaux et profite du paysage en haut. Je rencontre alors deux vélos couchés en transmission directe, je pose beaucoup de questions et j’apprends beaucoup! Je suis très bien à ce moment, je roule plutôt pas mal jusqu’à Brest.
Après un premier bar qui n’est pas encore à Brest, nous longeons un peu la mer jusqu’au bar suivant. Je prends un Coca avec Bertrand et Sébastien, mais on a faim! J’avais repéré un crêperie ouverte entre le pont et Brest, nous allons finalement sur le parking du front de mer dans une « baraque à crêpes ». C’est limite extrémiste, c’est galette nature ou beurre. J’en prends deux. Il fait aussi des crêpes au chocolat, j’en prends une!
Les nuages noirs arrivent, je vais essayer de rester devant… Je laisse mes compagnons après avoir franchis le pont Albert Louppe et je commence à sentir le poids de la fatigue. Les ascensions sont longues dans le Finistère, je monte au train en me fixant comme objectif Carhaix. Au Roc Trévézel je me couvre, la fraîcheur arrive en ce début de soirée. Je sais déjà ce que je vais manger et j’en salive d’avance. Il est plus de 22h et je n’ai pas envie de manger un de mes sandwichs dans un café. Je préfère une assiette kebab, assortiment de mouton, frites et salade. J’engloutis dûment mon assiette arrosé d’un Coca et d’un café. Je repars dans la nuit, il reste 200km. Je n’ai vu personne depuis Brest, les lumières sont de moins en moins souvent allumés et les bruits qui brisent le silence ne sont pas toujours rassurants.

Je retrouve la grande route de l’aller, qui me semble bien plus vallonnée au retour… J’aimerais m’arrêter après Corlay mais je ne trouve aucun endroit qui me convienne. A Allineuc, une fête de village éparpille les ivrognes sur la route, on s’attend pas à croiser un cycliste à 1h du matin! La route est difficile jusqu’à Loudéac, je passe les bosses tranquillement et constate le froid saisissant dans les descentes. Cela tombe bien, je m’arrête bientôt! Je cherche un distributeur de billet abrité, je ne verrais qu’après celui avec un sas… Je m’assois manger et boire. Je me sens terriblement fatigué, je rajoute une couche pour ne pas attraper froid. Il est 2h30 du matin, il reste 130km. La suite n’est pas difficile en elle même, mais j’ai de plus en plus de mal à monter les côtes. Quand mon coeur montait à 160 sans problème au début, je dois me faire violence pour être à 130. Là où j’étais à 125 dans les descentes, je descends sous les 100. Et plus le temps avance, moins j’arrive à rouler.
Après presque deux heures comme cela, je cherche un endroit pour m’arrêter me reposer un peu. Je balaye les environs avec mon phare dans le bourg d’Illifaut et trouve un abri bus… déjà occupé! Un anglais qui fait le brevet est déjà là. Il a eu un gros coup de barre cette nuit et essaye de récupérer. Nous discutons un petit moment et repartons. Je constate alors que je suis archi cramé, incapable de tenir quelque rythme que ce soit. Je prends sa roue, il n’est pas très frais non plus mais semble moins souffrir que moi.
Je l’ai déjà constaté dans les précédents brevets réalisé à bonne allure, je roule toujours trop vite au début. Pourtant je n’ai pas l’impression de forcer, tirer sur l’organisme, mais je paye très cher le rythme du début. C’est le cas ici. Le soleil n’est pas encore levé, je m’endors sur le vélo, il fait froid et je n’arrive pas à rouler à 25km/h, vent dans le dos. Je suis tant bien que mal un compagnon de fortune mais la tête n’y est pas. J’ai des doutes sur ma réelle volonté de faire le Paris Brest en aout, il y a tellement de belles choses à faire en vélo sans souffrir… Je m’accroche et fixe objectif après objectif. Saint Méen, Bécherel, Tinteniac. J’espérais arriver à 7h dans Tinténiac, pour un petit déjeuner au PMU avec des emplettes à la boulangerie. Nous avons beaucoup d’avance, les kilométrages n’étant pas très exacts sur la feuille de route. Je fais pointer nos cartes par la fenêtre derrière la boulangerie.
Nous repartons pour les 32 derniers kilomètres jusqu’à Rennes. Un petit vent de face rends les choses difficiles mais kilomètre après kilomètre nous franchissons les couronnes. Le mitage a fait des ravages par ici, comme les grands entrepôts en taule ondulée destinés à la consommation. Je suis pour le moment occupé à suivre mon ami anglais, mais je n’arrive pas à prendre de relai régulier. Je ne peux que me mettre en danseuse et faire des acoups… Enfin nous franchissons une rocade, puis une deuxième, avant d’arriver sur les grands boulevards. Nous traversons la ville très lentement, au gré des feux et des taxis qui nous manquent pas de faire comprendre qu’on les gêne. Nous arrivons au stade à 8h30, sous les premières gouttes. Les cheminots sont très bavards, cela change du calme des dernières heures! Je prends un sandwich et un café, salue l’anglais et reprends la route sous une pluie plus forte. J’arrive enfin chez moi à 9h30, je range le vélo en enlevant sacoches et bidons. Je pose tout cela dans un coin et m’allonge pour réfléchir au plan d’action. Je n’ai plus d’énergie, autant bien réfléchir avant comment ne pas la gaspiller!
Je suis dans mon lit à 10h30, bonheur!

Au cours de ces 600km j’ai souvent pensé à Éric Vincent, participant au brevet de Gap assassiné par un chauffard il y a une semaine. RIP

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