Après une nuit un peu agitée, je prends enfin le départ. Je suis dans la cour de cet ancien monastère transformé en auberge de jeunesse, le jour se lève à peine. Le ciel est bas, la température pas bien élevée.
J’allume mon GPS, me couvre juste comme il faut et je quitte Fribourg par les grandes rues commerçantes. J’arrive à me tromper après 3km, je m’en rends compte assez vite, ça commence bien!
Je sais que les premiers kilomètres sont relativement plats. Une première belle montée me rappelle la relativité des dénivelés, plat en Suisse c’est vallonné par chez moi. Je roule depuis une demi heure en ce vendredi de weekend prolongé (lendemain du jeudi de l’Ascension), et je commence à chercher un endroit pour faire une petite pause. Je dépasse une petite boulangerie discrète, qui fait aussi café comme c’est assez courant en Suisse. Je n’hésite pas à faire demi tour même si je suis bien lancé, il ne faut pas rater ce genre d’opportunité quand on a envie d’un bon café! Je prends aussi des viennoiseries ou des pâtisseries, cela ne ressemble de toute façon à rien que je connais! Ce qui est sûr c’est que cela nourrit son homme… Ayant fait à peine 10km sur les plus de 200 prévus, je repars sans trop traîner.
Je remonte la Gruyère vers le sud. La pluie a fait son apparition, je ne suis pas très motivé pour aller vite. Je me couvre bien et attends des meilleures sensations. Je passe devant le château de Gruyères, planté au milieu d’une plaine elle même au milieu des montagnes. La route devient moins passagère, et la vallée devient assez étroite pour que la route côtoie la voie ferré. Le train passe parfois au milieu de la route dans les villages, et les signaux automatiques sont quasi inexistants.
Le fond de la vallée transforme le faux plat montant en col, je ne peux plus rouler à l’économie. Je suis heureux de faire mon premier col de l’année, la montée n’est pas du tout régulière et les paysages feraient tous de belles cartes postales (sans la pluie). J’arrive tranquillement au sommet, j’en garde sous la pédale, mon cardio n’indique pas plus de 150. Le col n’est pas bien beau en haut, je ne m’arrête même pas. L’ascension sous la pluie fine n’était pas un problème, mais dans la descente à 50km/h, je suis frigorifié. La descente ne dure que 25 minutes, heureusement!
Me voici à Aigle, ville hébergeant l’Union Cycliste Internationale (UCI). Je ne dirais pas tout le bien que j’en pense ici… Je trouve un petit café/patisserie dans lequel je me permets une bonne pause. J’ai déjà 85km dans les jambes avec 1000m de dénivelé et il est pas encore 10h. Je mange comme si j’avais faim, et un café allongé plus tard je suis prêt à repartir. Je me couvre plus qu’au départ, je suis encore glacé.
En partant je monte la petite coline me permettant d’éviter la grande route longeant le Rhône. Je redécouvre la beauté de cet endroit, après le lac Léman, cette gigantesque vallée à fond plat. Je croise encore une voie ferrée, en lacets à travers les vignes. Je redescends aussitôt sur Ollon, magnifique bourgade viticole du Valais. Je profite de la dernière portion un peu plane avant un moment.
Aussitôt le bourg passé, la route s’élève et monte à travers des champs, des bois, des villages que l’on découvre encore plus nombreux à chaque virage. Je m’arrête après une petite heure dans une boulangerie pour acheter de quoi manger, je veux pique niquer au sommet. A l’arrêt, je trouve la pente impressionnante, plus que sur le vélo. J’ai bien du mal à poser mon vélo le long du mur d’ailleurs…
50 minutes plus tard je suis en haut, col de la Croix, une belle montée avec 1300m de montée sur 18km en 1h40. La neige est encore bien présente à 1750m, le col a été ouvert officiellement la veille! Encore une fois je suis un peu déçu par le paysage, je dois plus sortir l’appareil photo pendant la montée! Cela est peut être du au fait que de nombreux cols routiers en Suisse sont assez récents (milieu du XXème) et que les moyens de l’époque permettaient déjà de faire des routes plus droites sans détours à travers la montagne comme j’ai pu le voir dans les Pyrénées.
Après un rapide déjeuner/casse croûte, je redescend vers les Diablerets, station chic. Dans le bourg je pense prendre un raccourci, je me retrouve face à un mur à 20% sur 1km. Je monte une grande partie à pied, c’est très joli en tant que piéton aussi… Je retrouve enfin la grande route au bout d’un moment et commence mon troisième col de la journée. Il est assez court ce col du Pillon mais avec un pourcentage assez exigeant (9%). Il y a bien longtemps que j’ai oublié de mettre mon plateau de 42 dans les cols, 32 pignons sont bien suffisants pour moi surtout avec un petit 25 à l’arrière!
Dans la descente suivante, je remarque un jeu inquiétant dans la direction. Je pense que la cuvette n’est pas assez serrée mais il faut une clé de 32… Arrivant à Gstaad, je me vois mal demander de l’aide à Johnny… Je trouve un magasin agricole et demande de l’aide. Ils me renvoient gentiment vers Fredy, l’homme de la situation! J’arrive chez lui avec un air un peu hagard mais ce vélociste qui parle toutes les langues va m’être d’une aide précieuse. Après de nombreux essais, montage démontage et autres visseries, il trouve une solution et serre comme il faut mon jeu de direction! Il me fait même cadeau d’une partie du prix, je dois faire pitié à voir!
Il est 14h, je viens de faire 135km avec 2900m d’ascension. J’ai deux options, soit redescendre tranquillement par la vallée, soit visiter une autre vallée m’ouvrant la route à deux cols. Je choisis la deuxième option, ce n’est pas très raisonnable mais je ne reviendrais pas dans le coin avant un moment!
Le col suivant ne figure pas sur la carte Michelin, mais fait partie d’un itinéraire cyclable suisse. C’est en toute confiance que je commence la montée. Et pour monter, cela monte fort. La route est magnifique, la largeur d’une voiture, une nature quasiment sauvage, des rivières bruyantes, et le beau temps qui me facilite la tâche. Je mets quand même souvent pied à terre dans la deuxième partie. Je n’ai plus la force d’affronter plusieurs kilomètres à 10% avec mon trop grand braquet sans faire de pause.
Arrivé en haut je profite de la vue sur la vallée de Jaun. La descente est très difficile avec un fort pourcentage et les grilles à bétail. Je constate dans le plat que je n’ai plus de jambe…
Le col de Jaun est assez difficile au début, je tiens mentalement pour ne pas poser pied à terre même si mes jambes ne veulent plus avancer. Je profite de deux arrêts photos pour souffler un peu, et la pente devient moins forte. J’arrive en haut content d’avoir fait ce détour, il en valait la peine grâce à ses paysages.
Il ne me reste alors plus que 40km quasiment plat. Je descend tranquillement la vallée, je résiste même à une barquette de frites qui m’attendait sur un parking. Je m’arrête quand même acheter une pâtisserie et une bouteille de Coca. Je la mange assis au milieu du parking, j’ai perdu toute fierté et je savoure la spécialité à pleines dents.
Quand je rejoins la vallée principale, il me reste encore quelques kilomètres à faire avec quelques petites bosses. Et c’est avec un grand soulagement que j’arrive chez Tony et sa famille qui m’ont fait l’honneur de m’accueillir.
Après une douche salvatrice et quelques étirements, nous allons récupérer un VTT pour moi pour le lendemain, je sens que cela va être dur… Nous mangeons une délicieuse raclette mais je regretterais un peu le vin du Valais, non pas qu’il ne soit pas délicieux, mais mes cuisses n’ont pas trop appréciées le vin blanc après 4300m d’ascension! Je les abandonne à leur fête avec des voisins et je pars dormir d’un sommeil de plomb.